La végétation locale et le désastre climatique
Rencontre avec Jean-Pierre BALMAIN, naturaliste, membre de l’OPIE, Office pour les insectes et leur environnement
Nous avons déjà publié deux articles issus de ses travaux (1) :
- Favoriser les plantes mellifères afin d’essayer d’enrayer la baisse drastique des effectifs d’insectes
- Propriétaire écovigilant pour la biodiversité car chacun doit éviter les actions qui contribuent à diminuer la biodiversité
(1)
http://opie.provence.free.fr/photo/Entretien_plantes_melliferes_2022.pdf
http://opie.provence.free.fr/photo/Conseils_gestion-papillons.pdf
Aujourd’hui nous revenons sur les conséquences du changement climatique
Fuveau Demain : Le changement climatique est de plus en plus visible à Fuveau comme sur toute la planète. Cela a forcément des conséquences sur la biodiversité.
Jean-Pierre BALMAIN : Effectivement, j’ai coutume de dire que nous entrons dans un climat torride, la durée du stress hydrique s’allonge depuis plusieurs années du fait de l’insuffisance des pluies de printemps et la surchauffe accrue et rallongée de la période estivale. La croissance des plantes est freinée, la durée de floraison est raccourcie dans le Sud de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Languedoc, en particulier la floraison des fleurs mellifères des friches para-agricoles ou des espaces naturels qui était en durée double à triple de ce qu’elle est actuellement et permettait la survie des insectes butineurs et leur dispersion.
Le problème est accentué par le Mistral desséchant.
FD : Le Préfet a placé le Département des Bouches-du-Rhône en vigilance sécheresse. 17 communes sont, en février, déjà sous le coup de mesures de restrictions. Les particuliers n’ont par exemple pas le droit d’arroser leur jardin entre 9 et 19 heures. Ils n’ont également pas le droit de laver leurs véhicules à leur domicile.
Une autre conséquence est l’absence de champignons dans le massif de la Sainte-Baume.
JPB : Par manque de pluies précoces en septembre et octobre, les myceliums des champignons arrivent de moins en moins à démarrer la formation des champignons (partie aérienne comestible) .Trop souvent quand il pleut bien, c’est de novembre à janvier, en alternance de gelées nocturnes qu’est bloquée l’émergence de beaucoup de bons champignons. J’ai constaté cette évolution entre 1980 et les années 2000, sur la zone nord de Ste Victoire.
FD : Comment donc adapter nos jardins pour participer à la solidarité départementale ?
JPB : Beaucoup de jardins sont encore créés autour de gazon ? Il faut les remplacer par une graminée type Ki kuyu (Cynodon dactylon) à grosses racines traçantes. Sur les portions pentues, pierreuses, la graminée dite « baouque » (Brachypodium phenicoides) tient le sol, évitant l’érosion, et survie aux hautes températures. La taille doit se faire à mi-hauteur à la cisaille ou débroussailleuse à fil.
FD : Que faire en matière d’arrosage pour éviter les pertes désastreuses de 2022 ?
JPB : Nous devons raisonner comme si le climat était celui du Maroc (Atlas et bord de mer). Par exemple, le goutte-a-goutte est inadapté pour beaucoup d’arbustes, de plantes basses à racines pivotantes. Il n’atteint souvent pas la zone profonde de ces racines pivotantes (à 20, 30 et 40 cm de fond) et ne permet pas de réaliser une « tâche d’humidité » en profondeur. A cet endroit, le mistral et le feu du soleil ne pénètrent pas, permettant ainsi de conserver, en profondeur, une humidité résiduelle, vitale pour la santé du plant.
Au contraire, un arrosage espacé (de 5 à 7 jours au cas par cas), en gravitaire, assez abondant, imite les effets des orages printaniers (abondants en mm d’eau) qui étaient fréquents pendant les décennies 1970, 1980 et début des années 1990, 3 printemps sur 4 , voir 4 sur 5.
FD L’action du soleil, tellement positive, devient, aux températures maintenant atteintes, délétères, mais que faire ?
JPB : En effet et le cas du printemps 2010 est remarquable, avec 5 mois de l’éruption d’un grand volcan en Islande. Le panache de cendres fines à 3000 m de haut et l’étalement des poussières volcaniques jusqu’à 3000 km vers le Sud, dont la basse Provence, a eu pour résultat un abaissement momentané de la température moyenne sur la zone de Ste Victoire et la vallée de l’Arc, la formation de gros nuages à pluies abondantes, cycliques, régulières pendant 6 semaines non stop, de début mai à mi-juin 2010, sans mistral, sur Fuveau et les communes bordant le sud de Ste Victoire, avec des floraisons dans les prés en friches, exceptionnelles dans la durée
Il ne faut donc pas hésiter à mettre des pare-soleil improvisés pour protéger les jeunes plants, surtout la première année de plantation pour les plus fragiles au gros soleil, ou qui cherchent la demi-ombre pour s’épanouir ; et ce de début juin à mi-septembre.
Les clôtures ont également leur importance. Les murs en parpaings ont souvent un effet de four en accumulant la chaleur du soleil et pire, réverbérant cette chaleur excessive aux plantes environnantes de 8 à 10 heures par jour en été. Les clôtures en grillage sont donc préférables.
FD Quels sont vos autres conseils ?
JPB : Il y a un tempo pour planter et il faut décompacter aux points de plantation, travailler la terre qui a souvent été tassée par les gros engins autour des maisons.
Pour les arbustes, creuser des trous de 40 a 50 cm de fond équivaut à décompacter le sol; car souvent des engins lourds ont compacté le sol autour des maisons.
Je suis disposé à conseiller des personnes qui souhaiteraient faire évoluer leur espace anthropisé en le faisant évoluer progressivement, car il n’est pas question de se fatiguer, se démoraliser, et en tenant compte des paramètres de leur sol, des zones de plantations envisagées par rapport aux différents types d’expositions au soleil, des zones d’ombrage, de la présence des résineux.
Il est utile d’anticiper les risques d’échec ou les chances de réussite, de façon raisonnable pour l’installation des plants (comme de ceux déjà installés qui végètent) : la notion de risque calculé.
FD : Qu’en est-il du dépérissement des arbres et des forêts ?
JPB : Je ne suis pas spécialiste de la strate arbustive, mais, du point de vue de l’entomologiste, il est important que des clairières parsèment la forêt qui devrait être une mosaïque d’habitats pour laisser la place à la strate des plantes basses mellifères.
Il faut également réduire la proportion de résineux, les cadiers, les genêts d’Espagne, les lauriers tin (ou viornes) pour favoriser les chênes blancs, les chênes verts.
Jean-Pierre BALMAIN : jeanpierre.balmain@gmail.com
Jean-Pierre BALMAIN : jeanpierre.balmain@gmail.com
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[1] Sur le site OPIE : http://opie.provence.free.fr/photo/Entretien_plantes_melliferes_2022.pdf et http://opie.provence.free.fr/photo/Conseils_gestion-papillons.pdf